Dimanche 14 Juin 2020, quelques amis sur le port de Vannes viennent nous dire au revoir et nous larguons les amarres.
Changement de programme complet : évidemment, en 2 mois, avec la majorité des pays dont les frontières sont fermées, on ne fera pas ce qu’on avait imaginé faire en 6 mois, sans coronavirus. Mais ce n’est pas grave, si on arrive à partir un peu, les mois de travaux seront justifiés.
Cap sur la Méditerranée car seule l’Italie a ouvert ses frontières. Direction la Sardaigne via Gibraltar, soit environ 1 800 milles à parcourir. Les îles éoliennes pour admirer des volcans en éruptions ? La Grèce ? Pourquoi pas les rivages de la Turquie ? Comme toujours, beaucoup d’envies. Trop, c’est certain.
Coup de stress pour le départ avec un gros déficit de sommeil : la maison à fermer, donner les clés, garer les voitures et respecter l’horaire de fermeture du port de Vannes sous peine de rester coincé. Les derniers sacs sont mis en vrac un peu partout dans le bateau, « Salut les copains ! Merci d’être venus ! » Snif, émotion et c’est parti.
La météo ne nous est pas favorable : depuis plusieurs jours, le vent vient du Sud-Ouest, sans amélioration dans la semaine à venir. Alors on espère profiter d’une toute petite accalmie et d’un passage au Nord-Ouest. Après une hésitation sur une pause à Houat pour ranger le bateau et dormir, finalement, nous décidons de tracer la route directement.
Mauvais choix : nous sommes très vite au près, le bateau file, la mer est dure, on est secoué. Tout l’équipage accuse le coup : mal de mer. Lili restera couchée pratiquement 3 jours, le temps de la traversée. Comme le bateau marche très bien, nous allons plus vite que l’arrivée du Nord-Ouest qu’on espérait. Résultat, on doit tirer des bords.
Pendant une prise de ris de nuit, on aperçoit dans le faisceau de la lampe un bas-hauban qui se balade de droite à gauche, détaché. Par chance le ridoir est encore fixé par quelques filets. Frédéric s’occupe de le fixer, l’assurer et vérifie les autres haubans qui ne sont pas suffisamment assurés eux non plus. Tout ça de nuit, quand ça bouge, à la lampe électrique…
Autre stress : un gros bruit nous avertit d’un évènement anormal et on découvre un rail d’écoute de génois cassé, arraché, s’agitant dangereusement dans l’air autour de l’écoute. Regrets de Frédéric : c’est la seule pièce du bateau qu’il n’ait pas démontée pour la vérifier.
Epuisés, nous arrivons sur la côte Nord de l’Espagne, bien trop à l’Est, mais tant pis, il faut s’arrêter : le bateau et l’équipage doivent se reposer. Il n’est pas question d’aller dans un port ni de débarquer, mais nous trouvons un mouillage abrité qui va nous permettre de faire les réparations nécessaires et de ranger l’intérieur.
On affale, Frédéric se prépare à mouiller et là, nouvelle frayeur, la goupille de l’étais n’est plus qu’à moitié en place. Pour ces trois premiers jours un peu costauds, la chance nous a souri et nous avons encore notre mat.
Le calme, les odeurs d’eucalyptus, les falaises qui nous entourent… Drôle de contraste avec les jours précédents. C’est beau, ça fait du bien, on se sent revivre ! De 17 à 23 h, on répare, on range tout et dodo.
A regret, il faut repartir, de nouveau face au vent, en tirant des bords. Mais cette fois, l’équipage est bien amariné. Même si la navigation reste dure, on commence à prendre nos marques. Le temps est long car on ne peut pas faire grand-chose quand on navigue à cette allure inconfortable. Les jours et les nuits s’enchainent avec les alternances de quarts. Et comme distraction, les dauphins qui viennent nous rendre visite presque quotidiennement. Un spectacle magnifique dont on ne se lasse pas.