Questions d’élèves

Quand nous avons commencé à parler de notre projet autour de nous, les questions se sont mises à pleuvoir. Avec le temps, nous avons remarqué que ces questions étaient souvent les mêmes et nous étions parfois dans l’incapacité d’y répondre (donner des dates et des lieux précis de nos destinations par exemple). D’autres questions illustraient une méconnaissance totale du monde de la voile.

Les élèves de Lili se sont montrés très curieux quand elle leur a annoncé son départ en cours d’année. Elle a pris le temps de leur répondre : expliquer la vie quotidienne dans un bateau, l’organisation, le projet.

Présentation interactive « Spécial Élèves » :

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Ce sont toutes ces questions auxquelles nous souhaitons répondre ici. Des questions souvent naïves, parfois déroutantes pour un marin, mais tellement fréquentes chez les non initiés.

En bonus, la réponse à une « question piège », comme seuls les élèves savent les inventer et à laquelle Lili, en bon prof qui ne sait pas tout (hein ? comment ? un prof, ça ne sait pas tout ?) aurait pu répondre : « Tu me chercheras la réponse pour demain », mais a répondu : « Attends, je regarde sur internet ».


Où voulez-vous aller ?

Une possibilité de trajet parmi tant d’autres.

La première du Top 50 des questions. Et celle pour laquelle nous n’avons pas de réponse ! En effet, nous avons prévu de naviguer sans contrainte, au gré du vent et de nos envies. La météo est déjà une forte contrainte quand on pratique une activité comme la voile. Elle peut nous obliger à rester quelque part ou au contraire à partir. Pour le reste, nous voulons garder la liberté de passer autant de temps que nous en avons envie à un endroit s’il nous plait, ou en partir très vite si nous préférons aller plus loin.

Mais cette réponse n’a jamais satisfait nos interlocuteurs, qui finissaient par demander de nouveau : « Mais quand même, vous voulez aller où ? »

Alors nous avons fini par formuler une réponse aux allures de certitudes, décrivant le trajet que nous espérions suivre (peut-être, si tout va bien, si on ne change pas d’avis… ) :

Nous allons descendre vers l’Espagne, longer le Portugal, puis nous diriger vers le Maroc, ou Madère, les Canaries, le Cap Vert, le Sénégal, la Gambie avant de traverser l’Atlantique en direction soit des Antilles, soit de la Guyane, soit du Brésil (tout dépend d’où nous partons).

Lili

Nous rentrerons en avion et laisserons le bateau quelque part en sécurité de l’autre côté de l’Atlantique pour 6 mois. Puis l’année d’après, nous repartirons, traverserons le canal de Panama pour passer dans le Pacifique. Galápagos, Polynésie… On laisse le bateau, retour en France pour travailler, puis de nouveau le Pacifique… et ainsi de suite tous les 6 mois.


Ça prend combien de temps d’aller en Espagne en longeant la côte ?

Mais nous n’allons pas longer la côte ! Il n’est d’ailleurs pas prudent du tout de suivre la côte qui ne possède pratiquement pas d’abris si le vent nous pousse vers elle.

Nous allons tracer une ligne droite entre le Golfe du Morbihan et le Cap Finistère (La Corogne). Nous avons déjà fait ce trajet lors de vacances précédentes, en 3 jours environ.


Vous vous arrêtez pendant la nuit ?

Non. L’intérêt du bateau, c’est qu’il peut avancer jour et nuit sans s’arrêter. Il faut simplement que l’un d’entre nous surveille que tout se passe bien. Il faut vérifier qu’il n’y ait pas d’autre bateau trop proche, que la direction du vent n’ait pas changé, qu’on garde le bon cap. On fait ça à tour de rôle : on dit qu’on fait des quarts. Pendant 2 ou 3h, il y en a un qui veille, les autres dorment, puis on échange, à tour de rôle.


Est-ce que c’est fatiguant de faire des quarts ?

Pas vraiment puisque nous pouvons dormir quand nous voulons pendant la journée aussi. Zéro stress car pas besoin de se lever pour aller au boulot le lendemain matin ! Quand on a sommeil, on dort. Il faut simplement que tous les membres de l’équipage ne dorment pas en même temps.

Pendant un quart, on s’installe souvent devant la table à carte avec un bon livre. On surveille la route sur l’écran de l’ordinateur, on complète le livre de bord et toutes les 10 à 20 minutes environ, on sort dans le cockpit pour regarder ce qui se passe dehors : est-ce qu’on voit une lumière de bateau au loin ? Est-ce que les voiles sont bien réglées ?

Et puis un quart, c’est :

Être seul dans la nuit.

Tête à l’envers, regarder les étoiles.

Jeu de cache-cache avec la lune.

Clapot sur la coque, vent dans les cheveux, c’est bien, on avance.

Écume phosphorescente, magie du plancton.

Petits points lumineux mystérieux : bateau ? Phare ? Côte ?

Un quart, ça peut être un des plus beaux souvenir de voyage en bateau.


Est-ce que vous aurez du wifi ? du réseau ?

Oui, nous aurons du wifi lorsque nous serons dans des ports, ou près de points d’accès. Nous aurons du réseau de téléphonie mobile jusqu’à une certaine distance des côtes, sans problème de forfait tant que nous serons en Europe.

Mais lorsque nous serons éloignés de la civilisation…, fin des communications !


Vous n’allez pas vous ennuyer ?

Nous allons emmener avec nous plein de livres, des jeux de société, des ordinateurs, tablettes avec des films, de la musique… Il faut aussi s’occuper du bateau, du réglage des voiles, calculer la route. Et puis nous pourrons pêcher, regarder les baleines et les dauphins, faire la cuisine… Alors même seuls au milieu de l’eau, nos journées peuvent être bien remplies !

Quand nous serons au mouillage ou au port, nous pourrons nous baigner, faire du paddle, aller à terre nous promener, découvrir de nouveaux endroits, rencontrer des gens.

En navigation, il y a des moments où le temps peut sembler long, mais ça n’est pas désagréable d’être parfois simplement assis à regarder la mer, les vagues et le ciel, le nez au vent, perdu dans ses pensées.

On peut alors avoir envie de chanter, d’écrire, de dessiner…


Vous préparez des choses à manger avant de partir ?

Nous avons beaucoup de stocks de nourriture dans tous les coffres du bateau et nous avons également un frigo de bonne taille. Par mesure de sécurité, il faut toujours avoir bien plus de réserves que ce qui est normalement nécessaire pour la durée de la navigation prévue. Juste, au cas où…

Nous pouvons cuisiner aussi bien qu’à la maison, que l’on soit au mouillage ou en navigation. Donc, pas besoin de préparer à l’avance !

Nous cuisinons tout nous même, y compris le pain.

C’est juste un peu plus compliqué quand on navigue s’il y a beaucoup de vagues, ou quand le bateau gite. Il y a des systèmes de fixation pour éviter que les casseroles ne se renversent, il faut tout caler et ranger au fur et à mesure pour éviter les catastrophes. Une cocotte minute qui traverse le carré lors d’un changement de bord intempestif, ça peut faire des dégâts !

Il arrive parfois qu’on ait le mal de mer et dans ce cas, on n’a pas envie d’être enfermé à l’intérieur du bateau à cuisiner. On peut toujours ouvrir une boite de petits gâteaux !


Vous n’avez pas peur ?

Non, tant que la météo ne nous joue pas trop de tours.

L’important, c’est d’ANTICIPER.

Quand on navigue, on essaye de prévoir ce qu’on ferait dans telle ou telle situation, en imaginant le pire. Et quand on a des solutions de repli, on n’a plus peur. On sait qu’on a un plan B, un plan C…

La priorité, c’est la surveillance de la météo. Il faut pouvoir se mettre à l’abri quand elle se dégrade.

Par ce temps, on évite de sortir!

Combien de temps faut-il pour traverser l’Atlantique ?

Entre 20 et 30 jours ? En fait, ça dépend évidemment de la force du vent et de la vitesse du bateau. Chaque voyage est différent.


Quand vous serez au milieu de l’Atlantique, qu’est-ce qui sera le plus proche de vous ? La côte ou les satellites ?

Euuuuhhh… Joker !

J’ai fait quelques recherches pour répondre à cette question et découvrir que les satellites seront plus proches. En effet, la station spatiale internationale ou ISS a une orbite basse et nous survole à 408 km.

La largeur de l’océan Atlantique varie entre 2 848 km (entre le Brésil et le Liberia) et 4 830 km (entre les États-Unis et le Maroc). Au milieu de l’Atlantique, on se trouve donc à plus de 1 424 km des côtes les plus proches.


Qu’est-ce que vous faites de vos poubelles ?

On les balance à la mer !


Qu’est-ce que vous faites de vos poubelles ?

Bon, plus sérieusement, la priorité, c’est de ne pas en avoir. On vise le « ZÉRO DECHETS ». On est au top du écolo-bio dernière mode !

Un bon tri s’impose : tout ce qui irait au compost à la maison, c’est biodégradable, ça peut aller à la mer. On évite tout de même de jeter nos épluchures dans l’eau quand on est dans un port et même quand on est au mouillage et que le vent va vers la côte. Même si ça se décompose, on pense aux vacanciers qui n’ont pas forcément envie de se baigner au milieu des pelures d’orange ou d’étaler leur serviette sur une plage entre les peaux de banane.

Le reste, on le garde. On débarque les poubelles quand on arrive dans un port. Mais là aussi on fait attention : si on est sur une petite île, pas la peine d’encombrer les habitants avec nos déchets quand ils ont déjà du mal à traiter les leurs et doivent les évacuer en bateau. On préfère les déposer sur le continent.


Pouvez-vous nager à côté du bateau ?

Dans les ports ? Beurk…

Au mouillage ? Génial !

En navigation ? Ça dépend. Si le bateau avance, non, c’est trop dangereux ! Mais s’il n’y a pas de vent, qu’on est à l’arrêt… On a déjà tenté. Au milieu du Golfe de Gascogne : un bout qui traine dans l’eau, ou un bout attaché à la taille, toujours un adulte dans le bateau pour la surveillance… Ça fait peur d’imaginer les 3 000 m d’eau en dessous de nous… avec des bêtes… Un peu de stress, mais c’est très amusant.


Est-ce que vous allez pêcher des poissons pour les manger ?

Ouiiii ! Encore faut-il réussir à en pêcher… Et là, nous avons quelques progrès à faire.

Ce qui fonctionne : pêcher des maquereaux à la traine. On laisse une ligne avec des hameçons filer derrière le bateau qui avance (ni trop vite, ni trop lentement). Ça marche (parfois) et c’est bon !


Est-ce que vous pouvez vous faire attaquer par une baleine ?

Ou un calmar géant dont les tentacules enlaceraient le bateau pour l’entraîner vers les abysses ? Vous avez trop lu Jules Verne !

Bon, normalement, la baleine n’est pas agressive et ne va pas nous attaquer. Mais elle peut venir voir le bateau…,

nager à côté…,

passer dessous…,

avoir envie de jouer avec nous…,

et là, un coup de queue pourrait avoir de fâcheuses conséquences !

Ce qui est sûr, c’est que nous avons déjà reçu la visite de baleines et quand on les voit passer lentement à côté du bateau, on n’est pas très fier : c’est quand même très très grand et très très gros !

Les dauphins, on n’a pas peur.

Comment votre fils va-t-il travailler ?

Une déclaration d’instruction en famille et à nous la belle aventure de l’école à la maison ! ou plutôt dans le bateau. Oui je sais, je suis prof, alors ça va être facile pour moi de lui faire l’école… … … … …

Curieux, je sens comme un doute…

Plongée vers l’inconnu. On en reparlera.


Comment savez-vous où vous êtes ?

Le dieu GPS est arrivé sur Terre il y a une bonne vingtaine d’années et depuis, les hommes savent… où ils sont ! Un petit boitier, une carte, un ordinateur et hop, comme par miracle, un petit point indique « Vous êtes ici », même en plein milieu de l’océan. Fastoche !

Mais, comme il faut toujours avoir une roue de secours (ou une survie) en cas de panne du système, de manque d’énergie pour alimenter l’ordinateur, ou autre imprévu, nous avons des cartes marines et un sextant (qu’il faut savoir utiliser… vite, un petit tuto !) Indémodable : un instrument inventé en 1730 et qui fonctionne toujours !


Est-ce que vous avez une douche ?

Pas encore au point pour le moment, mais le projet, c’est : on fait chauffer un peu d’eau, on met le mélange tiède juste comme on aime dans un thermos, une pompe, un embout de tuyau d’arrosage… On va s’isoler dans le cabinet de toilette, on fixe un rideau, on met les pieds dans une bassine… Et hop, le tour est joué, on a une douche ! Facile !

En attendant, on fait chauffer un peu d’eau dans un bol, un gant de toilette, les pieds dans la bassine. Rustique, mais ça fonctionne.

Sinon, au port, on peut faire ça!

Où vont les déchets des toilettes ?

A l’eau !

Quand on veut tirer la chasse, on pompe, l’eau de mer circule dans les toilettes, tout est broyé et repart à la mer. On évite juste de nager à ce moment là…


Comment chargez-vous vos téléphones portables ?

Il y a des panneaux solaires qui permettent de recharger des batteries. On a installé des prises USB réparties un peu partout dans le bateau et on peut donc brancher nos divers appareils. On choisit d’utiliser les batteries de préférence quand les panneaux fonctionnent à bloc, dans la journée, pour garder des réserves, toujours au cas ou…


Est-ce que vous avez le mal de mer ?

Ouiiiiiiii !!!! C’est l’horreur !!!! Envie de mourir !!!!

Enfin, pas tout le monde et pas tout le temps, heureusement.

Quand on n’a pas fait de bateau depuis longtemps, le ou les premiers jours peuvent être difficiles. Ça dépend de l’état de la mer, s’il y a de la houle ou non, et ça dépend de l’allure du bateau : quand on est face au vent, on fait du près, le bateau penche (il gite) et tape dans les vagues. Dans ce cas là, au début, ça peut être très dur.

Deux solutions pour le malade : soit se coucher et dormir (1 jour, 2 jours, 3 jours…), soit rester dans le cockpit à l’extérieur, barrer, regarder l’horizon.

Mais normalement, au bout de quelques temps, on s’amarine et alors, à nous la belle vie ! On finit par pouvoir vivre dans le bateau et faire toutes nos activités sans problème.

Ce qui est sûr, c’est que tout le monde n’est pas égal face au mal de mer.


Et s’il y a une tempête ?

ANTICIPER !!!!

Je vous l’ai déjà dit, c’est le maître mot. Il faut prendre la météo le plus souvent possible, la suivre avec précision, réactualiser les projets de navigation en fonction des informations recueillies et éviter à tout pris de se retrouver dans une tempête.

Quand les prévisions météo sont mauvaises, il faut s’abriter.


Est-ce que vous avez un moteur ?

Oui, tout neuf, alors normalement, on devrait pouvoir compter dessus, car rien n’est plus embêtant que d’avoir un moteur qui ne démarre pas ou qui cale au moment où on a besoin de s’en servir ! Évidemment, ça arrive toujours quand on rentre dans un port, quand on est près des rochers, quand il y a un courant contraire… (c’est du vécu !)

Nous n’aimons pas du tout naviguer au moteur, c’est beaucoup trop bruyant et ça consomme du gasoil. Mais quand la mer est d’huile, on est bien content de le trouver.

Nous repoussons toujours au maximum le moment de le démarrer et si nous n’avons pas d’impératifs, tant qu’on va à plus d’1 nœud, on continue à la voile.


A quelle vitesse allez-vous ?

Entre 1 et 10 nœuds. En général, on prévoit de tourner autour de 5 nœuds.

1 nœud correspond à 1 mille à l’heure, soit 1.85 km/h.

Ce qui veut dire que lorsque nous sommes à 5 nœuds, nous allons à presque 9 km/h : c’est un bateau à voile, pas une fusée !

Mais comme on peut avancer jour et nuit sans s’arrêter, on peut parcourir en moyenne 120 milles en 24 h, soit 220 km. Tranquillement, petit à petit, on avance.


Avez-vous des réserves d’eau importantes ?

Nous avons fait fabriquer 2 réservoirs sur mesure qui contiennent chacun environ 120 L d’eau. Donc 240 L de réserves.

Mais nous avons aussi investi dans un dessalinisateur qui permet de transformer l’eau de mer en eau potable ! Un appareil génial qui doit nous rendre autonome en nous évitant d’aller faire le plein trop souvent au port.

La consommation d’eau douce est très variable en fonction de l’endroit où nous nous trouvons car si nous sommes en navigation ou sur un mouillage peu fréquenté, alors nous utilisons beaucoup l’eau de mer qui est propre (vaisselle, cuisine, toilette). Mais si nous sommes au port, près d’une ville, entouré de monde, on évite l’eau de mer et notre consommation d’eau douce explose.

De toute façon, les réserves sont limitées et on doit toujours faire très attention à sa consommation d’eau douce sur un bateau. Apprentissage de la parcimonie…


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